Noël N’Guessan et un jeune ingénieur chimiste de 32 ans. Il estime qu’entre un quart et la moitié de ces résidus pourraient être transformés en bio-engrais. Une véritable manne, « disponible à bas coût et ignorée jusqu’à présent », aime-t-il à répéter. Pour exploiter cette biomasse, il a créé avec sa femme, en 2016, l’entreprise d’innovation agricole Lono.
Son produit phare le Kubeko, un équipement de compostage qui produit des bio fertilisants en trente jours au lieu de six à douze mois, les déchets sont de l’or, en particulier ceux que génèrent les cultures de cacao, d’anacarde, d’hévéa, de palmier, de coton, de café ou encore de mangues et de bananes.
Pour l’instant, de l’aveu même de son concepteur, la machine est « trop chère », entre 500 000 francs CFA et 600 000 francs CFA (entre 750 et 915 euros), pour le planteur lambda et n’est vendue qu’à des coopératives sur financement des agences de développement occidentales ou à des programmes de certification. Mais la « technique de traitement des déchets est la bonne et participe à un cercle vertueux », veut-il croire.
Améliorer la vie des agriculteurs
La pratique est encore balbutiante la plupart des planteurs se contentent aujourd’hui d’incinérer leurs déchets. Quand ils ne les abandonnent pas tout simplement sur la plantation, ce qui contribue à propager des maladies dans les cultures. Pourtant, la transformation de ces résidus pourrait contribuer à améliorer la vie des agriculteurs, une « communauté » qui représente près de la moitié de la population active en Côte d’Ivoire, et au sein de laquelle le taux de pauvreté avoisine les 60 %.
La recherche agronomique a déjà démontré que l’usage de bio fertilisants permet d’augmenter les rendements. Une nécessité en Côte d’Ivoire où « les rendements agricoles sont faibles. Comparés à la moyenne mondiale, ils sont moitié moins importants », indique Noël N’Guessan. Ainsi, quand un cacaoculteur ivoirien produit 400 kg par hectare, son homologue brésilien, lui, en produit 800 à 900, sur la même surface. En rendement optimal, la production pourrait atteindre jusqu’à 2 000 kg.
Première usine à engrais organique
Les procédés et le savoir-faire de la production d’un compostage organique et performant ne se sont pas encore massivement diffusés au sein des communautés de planteurs. Mais cela est en train de changer veut croire Noël N’Guessan qui a fait le constat, sur le terrain, « de l’adoption croissante des techniques de transformation des déchets, notamment pour des raisons de certification bio ».
Ce dernier a pour ambition d’appuyer le pied sur l’accélérateur. D’ici à fin 2022, Lono ouvrira sa première usine de fabrication d’engrais organique à Yamoussoukro, la capitale ivoirienne. D’une capacité de production de 5 000 tonnes d’engrais solide et 5 000 tonnes d’engrais liquide, elle fabriquera également sa propre énergie à partir de la biomasse. Prévoit-il d’en revendre un jour à l’Etat ? « Pas dans l’immédiat », confie Noël N’Guessan, qui garde néanmoins un œil sur le segment de production d’énergie renouvelable, lui aussi largement inexploité, mais très prometteur.
D’ici à 2024, la première centrale électrique à biomasse du pays devrait voir le jour à Aboisso, à 100 km à l’ouest d’Abidjan. Celle-ci sera raccordée au réseau électrique national, alimentera 1,7 million de personnes et consommera près de 450 000 tonnes de déchets de palmiers chaque année. Les initiatives de biomasse prises dans la première puissance agro-industrielle d’Afrique de l’Ouest sont encore « timides », mais « certains projets se concrétisent, d’autres sont lancés et, surtout, les planteurs réalisent de plus en plus que les déchets sont une richesse ».