Au milieu d’une cérémonie funéraire à Batié, dans l’ouest Cameroun, où retentissent balafons, tambours et tam-tams, Wambesso Fankam sort du lot.
Ce jour là, Wambesso Fankam, le prince, arbore un long boubou bleu, assorti de motifs blancs. « C’est le ndop ». il faut signaler cependant que le Ndop n’est pas porté par qui le veut. Cet habit d’apparat est réservé aux chefs traditionnels, aux notables et membres de sociétés secrètes au Cameroun.
« Au départ, le tissu Ndop était réservé aux princes, et même pas à tous les princes, seulement à ceux qui avaient déjà été initiés. Aujourd’hui, c’est l’affaire de presque tout le monde, puisque le tissu du Ndop est vendu sur les marchés », explique Wambesso Fankam, prince local de Batie.
Le Ndop est un produit dérivé du raphia. Il faut aussi aller en chercher pour sa conception. C’est beaucoup plus à l’Ouest que ce produit est encore confectionné. A Baham, Solange Yougo, artisane de 52 ans s’active à tisser un modèle, à l’aide d’une aiguille et de fibres prélevées sur les feuilles de raphia. Pour celle qui a hérité ce savoir de sa mère, la confection de certaines pièces peut nécessiter jusqu’à un mois de travail.
» C’est un nouveau tissu. Je vais commencer à travailler sur un autre après. Ma mère m’a appris à coudre ces deux lignes quand j’étais plus jeune. J’avais huit ou neuf ans. Ma mère m’occupait en me disant de ne pas faire d’autres choses. Elle m’a d’abord appris à tisser les deux lignes comme celles-ci. Il m’a fallu du temps pour apprendre à les broder », souligne-t-elle.
Pour un tissu respecté, il faut donc un travail acharné et soigné. Cependant le Ndop a perdu, aujourd’hui, son caractère sacré même s’il reste hors de prix pour le camerounais moyen, 150 euros. Depuis février 2020, l’étoffe a été classée au patrimoine national camerounais par le ministère des Arts et de la Culture, même si la pérennisation de cette tradition demeure une préoccupation.
« Nous avons décidé de revaloriser le tissu Ndop et de le moderniser parce que lorsque les choses sont un peu trop traditionnelles, certaines personnes n’aiment pas beaucoup. En l’utilisant de cette façon, on peut avoir une chose traditionnelle qui est moderne en même temps. Du coup, ceux qui aiment la modernité ont un accessoire comme celui-ci par exemple », a déclaré Doriane Teguia, créatrice camerounaise.
Signalons que ce tissu est aussi tourné vers l’export. La preuve, en 2018, la maison de luxe française Hermès a présenté une collection de foulards en soie reprenant certains des motifs du Ndop. Depuis fort longtemps, le Cameroun plaide pour son inscription au patrimoine de l’Unesco. Espérons alors que cette plaidoirie trouvera un écho favorable auprès des responsables de cette institution.