Tout le monde a porté les « lêkê » déclare Rokia Daniogo, commerçante de 33 ans assise au coin d’une rue dans l’immense quartier de Treichville, où abondent diverses marchandises.
« Tous les enfants portent les « lêkê » même les bébés » rajoute-t-elle. « Ils jouent au football avec, vont à l’école avec », explique cette mère de quatre enfants qui en porte également. « Et ils aiment bien », insiste-t-elle.
« On portait déjà ça étant tout petit », confirme Patrick Nguessan, déambulant entre les stands. Même s’il ne les trouve plus assez commode aujourd’hui.
Symbole identitaire.
À quelques mètres de Rokia Daniogo, Ousmane Kaba en vend et en porte chaque jour.
« Je me sens bien dans ses chaussures et ça se vend bien surtout au près des jeunes de 18 à 35 ans. Également pendant les saisons pluvieuses quand certaines routes sont peu praticables sous les coups de pluies. »
« Les « lêkê » chaussures d’origine française parues après la deuxième Guerre Mondiale, dont une partie est fabriquée en Côte-d’Ivoire et l’autre importée sont présents sur les marchés ivoiriens depuis près de 30 à 40 ans et ce avant l’arrivée des « Tongs » dans le pays », explique Mounir Ben, commerçant.
Bien que les « Tongs » se sont répandus à une grande vitesse, ils n’ont en aucun cas su prendre la place des « lêkê » devenues un symbole de l’identité du pays.
« Au Sénégal comme au Mali, on en trouve. Mais en Côte-d’Ivoire ça marche fort », explique Samba Basse, commerçant sénégalais.
Également, selon Emmanuella Keita critique de mode ivoirienne, les « lêkê » étaient portés par ceux qui disposaient de peu de moyens dans les années 80.
Un Accessoire de mode.
« Les initiés du Zouglou (Genre musical urbain dont les premiers chanteurs dénonçaient la précarité de la vie estudiantine) portaient des « lêkê » et le Zouglou reste et demeure l’entité musicale la plus connue du pays », affirme Emmanuella Keita.
« Pour moi, c’est un accessoire de mode dont ne peut se passer les travailleurs, les gens qui se battent dans la vie, pour les plus démunis », rajoute-t-elle.
Comme les apprentis « gbaka », les minibus qui arpentent les rues d’Abidjan et ses alentours. Ces jeunes formés par les chauffeurs suspendus à l’arrière ou aux portes des bus guettant le moindre client parfois prêt à leur courir après, « lêkê » aux pieds.
« Les « lêkê » facilitent la vie » elles « sont légère » assure Seydou Sow qui lui est un habitué de ces chaussures. Il les porte tout le temps dans son lieu de service un magasin où il transporte des marchandises lourdes.
Leur prix est abordable ce qui les rends si friand. Elles coûtent en moyenne 1000 FCFA dont 1,50 Euro.
Marque de luxe.
Les modèles sont divers : Chaussures unies, transparentes, à motif, aux couleurs nationales (Orange, blanc, vert) parfois portant les noms de certaines stars de football comme le Français Basile Boli ou l’Argentin Lionel Messi. Et tout le monde en porte, riche ou pauvre.
« Quand un pauvre en porte ça laisse croire qu’il n’a que ça à se mettre. Par contre, quand c’est un riche, il passe pour quelqu’un de cool, humble », explique Emmanuella Keita.
Les « lêkê » plus coûteux dont Mounir Ben met à la disposition des clients coûtent 2000 francs (3 euros). Selon lui ils sont plus pour les « benguistes » nom qu’on attribue aux africains vivant hors du continent et qui sont censés avoir de l’argent. Leurs semelles sont plus épaisses adaptées à la courbe des pieds, plus « résistantes et ne glissent pas », selon lui.
Les « lêkê » font la fierté du peuple ivoirien et sont indubitables de leur patrimoine culturel.