L’enjeu de la connectivité avant celui de la cybersécurité
Avant d’évoquer pleinement la question de la cybersécurité en Afrique, il convient avant tout, de poser une série de constats sur le niveau de connectivité du continent africain. Rappelons tout d’abord que le taux d’accès de la population du continent à Internet a atteint 20% en 2015, contre 77% en Europe.
Et si certains observateurs saluent les nombreux projets en cours visant à relier l’Afrique aux autres continents par des câbles sous-marins, il est utile de rappeler que les gains de connectivité ne bénéficieront pleinement qu’aux populations dont les États auront préalablement résolu les problèmes d’approvisionnement et de délestage électriques, puis investi dans une infrastructure nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).
Une cybersécurité encore timide face aux menaces
Il existe bel et bien un développement du numérique en Afrique, caractérisé par bon nombre d’études comme porteur de croissance économique. De nombreux projets fondés sur l’utilisation du numérique vont en effet dans ce sens, facilitant une sortie de la pauvreté et un développement économique local.
Pour accompagner ce mouvement, certains pays comme le Sénégal ou le Kenya se sont dotés d’autorités chargées de piloter et promouvoir le développement des TIC au niveau national. Mais en Afrique comme ailleurs, le développement du numérique est synonyme de développement des menaces.
Face à ces cyberménaces, force est de constater que l’action des États africains en matière de cybersécurité est globalement encore timide. À ce jour, seulement 40% des pays africains disposeraient d’un cadre législatif sanctionnant les actes liés à la cybercriminalité.
Certains de ces pays disposent par ailleurs d’une autorité dédiée à la cybersécurité, voire d’un CERT dont le rôle est de répondre aux incidents. Mais bon nombre de pays africains peinent à lutter efficacement contre la cybercriminalité, en raison notamment d’un déficit important de ressources.
Ce manque touche autant la main d’œuvre qualifiée en cybersécurité, tant dans le secteur public que privé, que les formations dédiées et les ressources matérielles et technologiques adéquates. En outre, le faible nombre de mécanismes de coopération entre pays africains et avec le reste du monde complique considérablement l’identification, l’interpellation et le jugement des cybercriminels par les forces de l’ordre. Enfin, même si ce n’est pas l’apanage des pays africains, il existe un risque dans certains États que la cybersécurité soit dévoyée afin de limiter la liberté d’expression, comme cela a été le cas en Angola.
Quelles perspectives pour la cybersécurité en Afrique ?
Pour renforcer la lutte contre la cybercriminalité, l’Union Africaine (UA) a adopté en 2014 – après quatre années de négociation – une convention sur la cybersécurité et la protection des données personnelles fournissant aux États signataires un cadre légal commun régulant les activités des internautes.
Bien que l’initiative aille dans un sens propice à la lutte contre la cybercriminalité, là aussi, certaines mesures du texte peuvent être utilisées pour limiter la liberté d’expression des citoyens des pays concernés. Le texte a donc été vivement contesté et, à ce jour, aucun pays de l’UA ne l’a ratifié, faisant de cette initiative un échec.
D’autres initiatives émergent pour soutenir les actions des États dans la lutte contre la cybercriminalité, à l’image de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) qui aspire à devenir un cadre d’échanges sur les meilleures pratiques entre les 80 États membres concernant la cybersécurité.
Citons enfin les partenariats bilatéraux que peuvent tisser les pays, comme le programme de coopération entre l’ANSSI et l’Agence De l’Informatique de l’État (ADIE) sénégalaise, dont l’objectif est d’accroître les capacités du Sénégal en matière de cybersécurité. Des programmes similaires existent avec le Gabon et le Maroc.