Si le son domine toujours son exposition, « Stirring the pot », à la Friche la Belle de Mai, à Marseille, le Nigérian convoque les autres sens, notamment l’odorat, en disséminant des effluves de terre mouillée et d’épices. Et plus encore le goût dans une installation vidéo intitulée « Migratory Notes », retraçant la circulation des denrées et des saveurs, de leur collecte au Ghana ou au Cameroun à leur arrivée à Marseille, et leur transformation par une cheffe africaine chevronnée.
«Toute l’histoire de la migration est aussi une histoire de nourriture » explique Emeka Ogboh, 43 ans.
A Marseille, Emeka Ogboh propose sur le toit-terrasse de la Friche la Belle de Mai deux nouveaux breuvages concoctés à la brasserie du Castelet, à Signes, dans le Var, mêlant cette fois les herbes de Provence aux épices du Nigeria.
«Un acte politique très fort que de lutter contre la mondialisation du goût et de répondre au monopole de Heineken sur la brasserie en Afrique », commente l’affable Fabrice Lextrait, président des Grandes Tables, le restaurant original de la Friche la Belle de Mai, lieu de toutes les expérimentations gastronomiques.
Cet entrepreneur s’y connaît en métissage culinaire, lui qui a invité des chefs africains à s’emparer de sa carte, pour imaginer «une culture de coopération plutôt qu’une coopération culturelle».
A l’occasion de l’exposition «Stirring the pot», il a ainsi invité plusieurs chefs africains, comme la Marseillaise née aux Comores Nadjatie Bacar, fondatrice de Douceur piquante, situé dans le quartier du Panier, ainsi que le grand cuisinier malgache Lalaina Ravelomanana, qui promet quelques surprises, telle cette glace à base de caviar de Madagascar.
Aujourd’hui, Emeka Ogboh en est convaincu, il aura un jour son propre restaurant, un lieu où il brassera autant de bières que d’idées. Et de lâcher, dans un grand éclat de rire : « Je prépare ce moment en prétendant faire de l’art!»