L’Africa Climate Summit a rendu sa copie le mercredi 06 septembre 2023. Pendant trois jours (du lundi au mercredi), des dirigeants d’Afrique et d’ailleurs se sont retrouvés à Nairobi, la capitale kényane pour échanger avec les acteurs de la société civile ainsi que des entreprises publiques et privées, et des organisations internationales.
L’objectif était d’adopter une feuille de route commune pour le continent, afin de « proposer des solutions africaines » à la COP28 qui se déroulera en novembre 2023 à Dubaï.
La première journée, lundi, était consacrée aux discussions ministérielles. Mardi, les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis avant la clôture du sommet le mercredi 06 septembre 2023.
Ces trois jours de conférence ont été l’occasion d’évoquer la croissance verte pour le continent, ainsi que le financement de l’action climatique. Ce sont, en quelque sorte, les thèmes qui ont été déclinés, lors des débats et de tables rondes auxquels ont pris part Azali Assoumani, le président de l’Union africaine et Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies.
Nous voulons du concret.
« Pas question de se réunir et que tout cela n’aboutisse à rien, comme souvent lors de ces réunions », confie le responsable d’une ONG ouest africaine travaillant sur le climat.
Le président kényan, William Ruto était à la manœuvre de ce grand rendez-vous. Un évènement qui marquera un changement dans la façon dont le continent se mobilise sur les sujets environnementaux.
La véritable ambition de cet évènement est de parvenir à trouver une approche commune et de formuler des « solutions africaines » aux défis climatiques, devant aboutir à la signature d’une « déclaration de Nairobi ».
« L’Afrique n’est pas juste une victime, mais un continent dynamique avec des solutions pour le monde. Nous avons le pouvoir de répondre à cette crise. L’Afrique représente une opportunité pour le monde si nous travaillons ensemble à des bénéfices mutuels », a estimé Joseph Nganga, président du sommet.
« Cependant, l’Afrique est sujette à des difficultés. Elle abrite 60 % des meilleurs potentiels mondiaux en énergie solaire, mais seuls 3 % des investissements mondiaux de la transition énergétique arrivent en Afrique, d’après l’Agence Internationale de l’énergie », ont souligné le président kényan et le patron de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
En effet, les pays du continent africain sont parmi les plus vulnérables face aux dérèglements climatiques. Le besoin d’une nouvelle architecture financière pour le climat était donc au cœur des discussions, autour de la restructuration de dettes. Des engagements ont donc été pris, notamment dans l’augmentation de la production agricole, la protection des océans et des forêts ou encore le développement des énergies renouvelables.
Parmi les 20 000 délégués, des représentants de la société civile, les activistes et autres défendeurs du climat ont espéré beaucoup de ces trois jours de discussions.
« J’espère que l’on pourra s’éloigner des énergies fossiles et des fausses solutions comme les crédits carbones et que les leaders africains vont plutôt insister sur le besoin d’avoir des investissements dans le secteur des énergies renouvelables », confie Charity Migwi, militante pour le climat au sein de l’association 350 Africa.
« Il faut aussi qu’ils poussent pour la mise en œuvre des promesses de financement autour du climat, pour que les fonds soient mis à disposition. Les États africains sont déjà trop endettés, prendre plus de prêts pour financer les actions climatiques signifierait nous enfoncer dans la pauvreté », a-t-elle rajouté.
Un discours d’ouverture insistant sur le potentiel de la croissance verte et incitant à l’action.
En ouverture, le président kényan William Ruto a invité à voir tout le potentiel de la croissance verte. Mais les discussions ont aussi largement insisté sur les difficultés pour les pays du continent de financer les mesures climatiques nécessaires, que ce soit d’adaptation ou de développement.
Durant la première matinée, la plénière a posé les enjeux de ce sommet africain, à 100 jours de la COP28 de Dubaï, à savoir le potentiel immense de l’Afrique pour verdir la planète. Ce n’est pas anodin le fait que le premier sommet africain du climat soit organisé au Kenya dont plus de 90% de l’électricité provient aujourd’hui des énergies renouvelables.
« Vous n’avez pas seulement mis les pieds dans un centre de conférence, vous êtes entrés dans le futur. Un futur avec un potentiel, mené par des partenariats internationaux, qui sera orienté vers la prospérité de l’Afrique, la croissance inclusive et une planète vivable pour tous. Nous devons voir dans la croissance verte non seulement un impératif climatique mais aussi une source de milliards de dollars d’opportunités, que l’Afrique et le monde sont prêts à capitaliser », a-t-il déclaré.
Les financements, une barrière à l’entrée.
D’après le président kenyan, le discours doit être différent. Il faut plutôt mettre l’accent sur le potentiel du continent. Il a par la suite défendu les atouts de l’Afrique tels que : Sa jeunesse, ses puits de carbones, ses terres agricoles et surtout son énergie verte.
« Notre continent a le potentiel pour être autonome en énergie, grâce à un mix de vent, de solaire, de géothermie, de biomasse et d’hydraulique, a-t-il insisté. L’Afrique peut même devenir un hub industriel vert qui peut aider les autres régions à atteindre leurs objectifs de zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2050 », affirme t-il.
Malheureusement, les pays africains restent toutefois parmi les plus vulnérables face au dérèglement climatique. Une urgence répétée à l’ouverture du sommet.
« Le changement climatique est une pandémie en Afrique. Il entraine une hausse en intensité et en fréquence des catastrophes naturelles, ne nous laissant pas le temps de rebondir avant qu’un autre désastre n’arrive. Les pertes économiques liées à ces dérèglements s’élèvent à plus de 5% du PIB annuel du continent », a déclaré Josefa Leonel Correia Sacko, commissaire en charge de l’agriculture au sein de l’Union africaine.
Le besoin de financements a donc été à juste titre au cœur des discussions. Les appels aux investissements vers le continent africain se sont multipliés lors de la première journée. D’après Josepha Leonel Correia Sacko, ces derniers reçoivent moins de 1% des fonds climat alors qu’ils sont au premier plan de la préservation de la nature. Un manque qu’a aussi déploré Bogolo Kenewendo, économiste et conseillère aux Nations Unies sur les questions climatiques.
« Pour moi, aucun pays africain n’a réussi à attirer tous les financements nécessaires pour le climat. Les chiffres le disent : En 2020 le continent a reçu environ 30 milliards de dollars pour le climat, ce qui correspond à 11 ou 12% de ses besoins », rajoute t-elle.
« Il y a un certain nombre de projets que nous souhaitons mettre en place mais nous n’en avons pas les ressources. Les moyens financiers existent pourtant mais ils sont difficiles à obtenir en Afrique pour plusieurs raisons : Nous n’avons pas les capacités ni l’expertise pour encadrer ces leviers de financement, nous manquons aussi d’un cadre commun au continent ou d’une certification qui donnerait confiance aux investisseurs. Enfin, le coût de l’accès aux fonds est un frein important », a déploré Mohammed Amin Adam, ministre d’État au sein du ministère des Finances du Ghana.
Des divergences entre chefs d’État sur la promotion des énergies vertes.
Alors que le secrétaire général des Nations Unies a estimé que l’Afrique pourrait devenir « une superpuissance des énergies renouvelables » et que les Émirats arabes unis ont annoncé 4,5 milliards de dollars d’investissements dans les énergies propres sur le continent, plusieurs chefs d’État africains ont affiché leurs divergences sur la stratégie à adopter sur le sujet, au deuxième jour de l’Africa Climate Summit organisé à Nairobi.
« Les énergies renouvelables pourraient être le miracle africain. » C’est ce qu’a déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, le 5 septembre 2023 à la tribune du premier sommet africain sur le climat, à Nairobi. Mais les États du continent tentent surtout de mettre en avant leurs spécificités et leurs atouts respectifs pour obtenir des financements.
Le Président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso estime que le cœur de la lutte pour obtenir des financements et la création d’un marché carbone mondial doit se faire autour des forêts du bassin du Congo, de l’Indonésie et du Brésil.
« Les trois bassins concentrent 80% de la biodiversité mondiale et constituent le régulateur de l’équilibre carbone de la planète », a-t-il affirmé.
Pour sa part, le président de l’archipel des Comores, Azali Assoumani souhaite que la notion d’économie bleue qui détermine le rôle des océans soit mise en avant.
« Nous plaidons pour un soutien pour une économie bleue durable et lançons un appel pour un nouveau partenariat et des collaborations », a-t-il dit.
Ismaïl Omar Guelleh, chef d’État de Djibouti, abonde dans son sens.
« Les océans transcendent les États et nous devons exploiter ces liens pour le développement et pas seulement pour l’enrichissement. Développer une économie bleue, c’est créer des partenariats qui nous permettent d’exploiter nos océans pour un changement vers le développement durable. »
Quant aux énergies fossiles, le président sénégalais Macky Sall a de son coté souligné que le Sénégal avait besoin du gaz comme « énergie de transition », tout en développant son secteur du renouvelable. Selon lui, demander aux pays qui polluent le moins d’abandonner ces « énergies de transition » serait « une injustice ».
Mais comme son hôte le président William Ruto, Macky Sall estime que le développement de l’économie verte est au cœur du combat, et que les engagements de financements internationaux ne sont pas respectés.
« Les pays africains réalisent leurs projets verts en recourant à la dette alors que le financement de l’adaptation devrait être soutenu par des dons, conformément aux engagements convenus dans l’accord de Paris sur le climat », a-t-il souligné.
Clap de fin, la « Déclaration de Nairobi » : Propositions et résolutions.
Une déclaration de Nairobi est un document regroupant des propositions communes aux différents États africains sur le climat. C’est un point tout particulièrement important qui représente la jeunesse au sommet.
« Les pays africains présentent des géographies et des contextes variés, rappelle-t-elle, mais cela reste important que le continent puisse parler avec une voix unifiée. Car dans l’ensemble, les défis auxquels nous faisons face sont très similaires », a déclaré Chepo Soy, une militante kényane.
Une taxe carbone mondiale et une réforme des institutions financières internationales pour financer l’action climatique en Afrique. C’est ce que préconise la « Déclaration de Nairobi » adoptée, mercredi 6 septembre 2023, à l’issue du premier sommet africain sur le climat, l’Africa Climate Summit 2023. Ce texte doit permettre au continent de parler d’une seule voix lors des prochaines discussions sur le climat. Mais les négociations entre États africains pour aboutir à ce texte ont été ardues.
La déclaration commence par souligner tout le potentiel de l’Afrique pour faire partie des solutions dans la lutte contre le changement climatique. Les chefs d’État et de gouvernement africains s’engagent notamment à développer les énergies renouvelables, l’agriculture ou encore encourager les industries vertes.
Mais ils insistent aussi largement sur le besoin de financement. Le texte demande à la communauté internationale d’honorer ses promesses, comme les 100 milliards de dollars par an promis en 2014 ou la mise en place d’un mécanisme de pertes et dommages annoncé lors de la COP27.
La « Déclaration de Nairobi » était au départ inspirée par la présidence du Kenya, un pays modèle de transition verte sur le continent. Elle appelait à intensifier les investissements dans les énergies renouvelables, une opportunité pour l’Afrique, selon le chef de l’État kényan, William Ruto. Ce dernier a annoncé que 23 milliards de dollars d’investissements avaient été promis au cours de ces trois jours de sommet, dont 4,5 milliards des Émirats arabes unis qui accueilleront la prochaine COP.
À l’arrivée, le texte final de l’Africa Climate Summit 2023 est plus exigeant. Les États africains demandent l’instauration d’une taxe carbone mondiale, la création de nouveaux droits de tirage spéciaux du FMI pour le « climat », à la hauteur de ceux qui avaient été alloués aux pays pauvres face au Covid-19, et plus généralement que l’Afrique, de nouveau étranglée par la dette, ait accès à des financements à un coût abordable pour sa transition énergétique et son adaptation au changement climatique.
Pour finir, la déclaration mentionne le fait que 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité et à un mode de cuisson propre. On peut y voir la main des États africains producteurs de gaz qui défendent cette énergie fossile, moins nocive que le charbon de bois.
Les forêts du bassin du Congo, qui avaient été oubliées dans la première version, ont obtenu un paragraphe sur leurs réserves de puits de carbone et de biodiversité, de même que les océans, où les États africains veulent leur part des ressources, notamment minérales, des fonds marins.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a annoncé que cette déclaration avait été adoptée unanimement après « trois journées d’intenses débats et d’échanges » Il a applaudi le succès du sommet, tout comme le président kényan William Ruto, et proposé que l’Africa Climate Summit se tienne désormais tous les deux ans.
Espérons vraiment qu’au-delà de beaux discours, on en sortira avec une déclaration qui permettrait de s’acheminer vers un plan d’action et une feuille de route très claire où les États prendraient aussi des engagements très clairs qu’ils auraient l’obligation, ensuite, de mettre en œuvre. À l’Afrique de saisir cette opportunité salvatrice.