Une mise en détention arbitraire
Arrêté sans mandat à Bamenda en août 2022 après avoir dénoncé en ligne des actes de torture attribués à un chef de milice pro-gouvernementale, Abdu Karim Ali a été inculpé de « faits d’hostilité contre la patrie » et de « sécession ». Il a été condamné par contumace à la prison à vie par le tribunal militaire de Yaoundé le 16 avril 2025, après près de trois années de détention préventive.
Selon l’ONG Amnesty International, le militant a été jugé pour avoir simplement exercé son droit à la liberté d’expression. « Ce jugement honteux est contraire au droit international relatif aux droits humains », a déclaré Marceau Sivieude, directeur régional par intérim de l’organisation pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.
Dans une lettre datée de mai 2024, Abdu Karim Ali avait explicitement rejeté l’autorité du tribunal militaire, contestant sa compétence. En réponse, les autorités l’ont jugé en son absence, accentuant de ce fait les nombreuses critiques sur la procédure judiciaire employée.
Son avocat a dénoncé une persécution politique déguisée : « qu’il ait été poursuivi pour ses pensées, ses origines, son engagement dans des associations et ses opinions politiques est un cas typique de persécution politique », a-t-il déclaré, tout en annonçant avoir fait appel du jugement.
Un militant engagé pour la paix
Ancien directeur du Centre de recherche sur la paix à Bamenda, Abdu Karim Ali est reconnu pour ses efforts en faveur du dialogue et de la médiation, notamment son soutien au processus conduit par la Suisse pour résoudre la crise anglophone. Son arrestation, le 11 août 2022, a été suivie d’une détention de 84 jours, dont quatre au secret, dans des conditions qualifiées d’inhumaines par Amnesty.
Son cas n’est pas isolé. Des centaines de personnes issues des régions anglophones du Cameroun sont actuellement détenues arbitrairement pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions ou participé à des manifestations. Nombre d’entre elles ont été condamnées par des tribunaux militaires, en violation du droit à un procès équitable.
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déjà appelé à la libération de plusieurs militants anglophones, dont Mancho Bibixy Tse et Tsi Conrad, qui font partie des figures les plus connues de la contestation anglophone.
Un climat de répression usuel et persistant
Le gouvernement camerounais est régulièrement accusé de restreindre les libertés fondamentales. Des membres du parti d’opposition Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) sont également détenus pour avoir pris part à des manifestations pacifiques, notamment en septembre 2020. Trente-huit d’entre eux sont encore derrière les barreaux à ce jour.
Alors que la communauté internationale appelle à une résolution pacifique de la crise anglophone, la condamnation d’Abdu Karim Ali apparaît comme un nouveau signal inquiétant de durcissement des autorités à l’égard de la dissidence pacifique.