Cyril, modeste chasseur de viande de brousse, est devenu un sujet d’étude. Lui qui ne possède qu’un fusil calibre 12 à un coup et une case en bois dans un village perdu au milieu de la forêt tropicale en reste tout étonné. « Un jour, des hommes sont arrivés, nous avons d’abord pensé qu’ils venaient pour faire un parc national », raconte l’homme long et sec, en se remémorant le sentiment d’effroi qui, d’une traite, avait traversé le village.
Au Gabon, comme dans le reste de l’Afrique centrale, la création des aires protégées s’accompagne d’une longue histoire de spoliations et d’expulsions que nul n’a oubliée. Ici, il faut déjà cohabiter avec les grandes concessions forestières qui encerclent le village. Mais les chercheurs n’avaient pas parcouru autant de kilomètres pour les déloger.
Doumé, 150 habitants installés le long des rives du tumultueux Ogooué, à deux heures de pirogue de Lastourville, est un des sites choisis par les scientifiques du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) afin d’évaluer l’impact de la chasse sur la faune sauvage et de proposer un cadre qui concilie protection des espèces et reconnaissance de droits pour les chasseurs.
Ces derniers sont, aujourd’hui, le plus souvent contraints d’agir dans la clandestinité. « Ils nous tracassent tout le temps [les agents du ministère des eaux et forêts]. Nous n’avons pas d’autres moyens pour vivre et il nous faut bien de l’argent pour acheter de l’huile, du savon ou payer les médicaments quand un de nos enfants est malade », fait valoir, fataliste, ce père de neuf enfants.