En effet, c’est une grande figure de la politique sud-africaine qui s’est éteinte. Le prince Mangosuthu fut le premier ministre traditionnel de la monarchie Zoulou. Il fut également le créateur et président du parti de l’Inkatha, ancien chef du bantoustan du KwaZulu et enfin ministre de l’Intérieur sous l’administration Mandela.
« C’est avec une profonde tristesse que j’annonce le décès du prince Mangosuthu Buthelezi, premier ministre traditionnel du roi et de la nation zoulous, fondateur et président émérite du parti Inkatha », a déclaré Cyril Ramaphosa dans un communiqué.
Le nationaliste zoulou.
Jusqu’à sa mort, et malgré son âge avancé, Mangosuthu Buthelezi est resté une figure incontournable de la politique sud-africaine. Il a veillé sur les intérêts du peuple zoulou, l’ethnie la plus importante d’Afrique du Sud. Cette figure de la lutte anti-apartheid était aussi une personnalité controversée.
« Il est mort aux premières heures de la journée, deux semaines seulement après la célébration de son 95e anniversaire », a précisé le chef d’État, saluant un « formidable dirigeant qui a joué un rôle important dans l’histoire de notre pays pendant sept décennies ».
Mangosuthu Buthelezi était un nationaliste qui a toujours défendu les intérêts de son peuple et de son roi. Né en août 1928 au sein de la famille royale zouloue, Mangosuthu Gathsa Buthelezi a longtemps été l’incarnation de l’esprit fier et guerrier de la plus grande ethnie du pays. Il fut au départ membre du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC).
Un leader.
À la fin de l’apartheid, il a négocié avec le régime ségrégationniste pour que le roi possède les terres de l’ancien bantoustan, une région dessinée pour isoler les noirs en fonction de leur ethnie.
Buthelezi a toujours défendu le particularisme zoulou. Il leur a d’ailleurs donné une voix politique en lançant le parti de l’Inkatha Freedom (IFP) en 1975, initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue.
Ce mouvement, qu’il a dirigé plus de quarante ans, a mené des guerres territoriales sanglantes avec les militants de l’ANC dans les townships à majorité noire des années 1980 et 1990. Une formation qui s’est battue contre l’ANC dans une guerre civile qui a fait près de 20 000 morts entre 1985 et 1995.
Ayant occupé les fonctions de premier ministre du bantoustan du Kwazulu – ces entités territoriales pseudo « indépendantes » assignées aux Noirs sous l’apartheid, Mangosuthu Buthelezi a souvent été accusé d’avoir collaboré ou d’avoir été un allié de ce régime raciste, ce qu’il a toujours farouchement nié.
La guerre.
Dans les années 1980, les dissensions entre son parti et l’ANC s’approfondissent. Buthelezi questionne les stratégies anti-apartheid de l’ANC, critique Nelson Mandela, alors en prison, l’accusant d’affaiblir les positions noires. Il agace aussi les mouvements de libération en appelant à des investissements étrangers accrus en Afrique du Sud, contrant leurs appels à des sanctions économiques pour peser contre le régime raciste.
Les violences entre militants de l’Inkhata et leurs opposants s’intensifient au milieu des années 1980, faisant plus de 5 000 morts. En janvier 1991, Mandela et Buthelezi se rencontrent, une première en douze ans, et appellent à la fin des affrontements et à la tolérance politique. Mais dès l’année suivante, des militants Inkhata, soutenus par les forces de sécurité de l’apartheid, commettent de nouvelles violences à Johannesburg et au Kwazulu Natal, province historique du peuple zoulou.
En 1994, c’est l’ANC de Nelson Mandela qui gagne les élections. L’influence de Buthelezi n’est pas ignorée et il est nommé ministre de l’Intérieur. Il entame l’une des plus longues carrières parlementaires du pays. En 2019, à 90 ans, il annonce ne pas se représenter à sa propre succession. Aujourd’hui, le parti de l’Inkatha n’est plus l’ennemi, mais l’adversaire politique de l’ANC. Le président Cyril Ramaphosa a tout de même salué la mémoire d’un formidable leader qui a joué un rôle important dans l’histoire de l’Afrique du Sud pendant sept décennies.
Soulignons que Mangosuthu Buthelezi figure aussi dans le Guide Guinness des records pour le plus long discours devant une assemblée législative, en mars 1993, réparti sur onze jours, avec en moyenne deux heures et demie de prise de parole par jour.
Il est à noter qu’au début des années 2020, le nonagénaire a été le porte-parole du roi coutumier zoulou, Misuzulu Zulu aussi appelé Misuzulu kaZwelithini, couronné l’an dernier.