Tout part de la déclaration du ministre de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l’Économie numérique, Moussa Bocar Thiam :
« Il a été constaté que l’application TikTok est le réseau social privilégié par les personnes mal intentionnées pour diffuser des messages haineux et subversifs menaçant la stabilité du pays. »
Elle restera donc suspendue jusqu’à nouvelle ordre, selon la réglementation en vigueur. Cette suspension intervient à un sillage où les protestations contre l’incarcération d’Ousmane Sonko, un candidat déclaré à la présidentielle de 2024, bat son plein.
L’affaire n’est plus à prendre à la légère.
Selon les autorités sénégalaises, les troubles associés à ces événements ont conduit à seize décès et une trentaine de blessés. Plusieurs sources évoquent que internet avait déjà été coupé sur les téléphones mobiles pour les mêmes raisons, pendant toute la journée de lundi 31 juillet 2023.
Certaines organisations de défense des droits de l’homme, à l’instar de Human Rights Watch, considèrent qu’une telle décision menace la démocratie et restreint les droits et libertés fondamentaux des citoyens. Par corollaire, elle appelle le gouvernement sénégalais à rétablir l’accès à Internet pour permettre la libre circulation de l’information et le respect des droits d’expression et de participation démocratique.
Même Amnesty international, l’une des organisations non gouvernementales, très influente, s’est aussi levée contre la coupure d’internet sur les téléphones portables et la suspension de TikTok.
La liberté d’expression est définie par l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) comme étant le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. Selon la jurisprudence américaine, les exceptions à la liberté d’expression concernent les faits relatifs aux discours obscènes et à la diffamation.
Donc s’exprimer librement est un droit fondamental jusqu’à ce qu’il entraîne un danger clair et présent, voire à caractère obscène ou menaçant pour autrui. C’est le cas pour le Sénégal qui se retrouve naguère coincé entre la règle du principe, et l’exception à la règle des libertés d’expression.
TikTok : Une suspension prolongée et définitive ?
Il faut remonter jusqu’à la plainte il y’a quelques mois du Rassemblement des entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (Restic) contre TikTok. Celle-ci reposait sur le stockage de données des utilisateurs sénégalais en dehors du territoire.
Ainsi, cette plainte et la récente suspension du réseau social TikTok sont des arguments majeurs pour s’interroger sur la souveraineté numérique et la protection des données. Tous ces éléments évoqués plus haut positionnent TikTok dans une situation défavorable.
À l’approche de l’élection présidentielle de 2024, l’idée de suspendre l’application TikTok n’est pas simplifiable, surtout et principalement si le gouvernement sénégalais se rend compte que l’application constitue un danger pour la stabilité du pays.
Les prochains jours seront décisifs au Sénégal et la décision finale autour de la suspension ou non de ce réseau social, pourrait donner naissance à des mesures pour une meilleure régulation des médias sociaux en Afrique et dans le monde entier.