Avec son roman « Les Impatientes » paru aux éditions Emmanuelle Collas, et inspiré de sa propre vie, l’écrivaine camerounaise fait le tour des sujets délicats tels que le mariage forcé et la polygamie à travers trois femmes peules.
Le nom du lauréat a été annoncé en visioconférence par la présidente du jury national composé de treize lycéens élus lors des délibérations régionales du très convoité prix : « Le prix Goncourt des lycéens a été attribué à Djaïli Amadou Amal pour Les Impatientes ». Le prix est co-organisé avec la FNAC et le Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports.
« Je suis très émue, plus qu’émue, je suis très sensible. Merci beaucoup à tous les lycéens. Pour moi ce prix des lycéens représente beaucoup, parce que, justement, quand on parle de violences faites aux femmes, et que ce soient des jeunes qui sont sensibles à ce sujet-là, quand on parle de mariages précoces et forcés, quand on parle de violences conjugales, physiques et morales, etc. et que les jeunes sélectionnent et choisissent ce livre pour en faire leur lauréat, en réalité, cela signifie un espoir pour l’avenir. Cela signifie que les gens sont sensibles et que cela sera donc un changement pour le monde. » A réagi la lauréate par visioconférence.
Un esprit littéraire et féministe
Djaïli Amadou Amal réside à Douala, au Cameroun. Depuis sa sélection au prix Goncourt, elle brille plus sur les plateaux télé et radio en France, de part sa forte personnalité, son esprit littéraire et féministe. À la fin de son intervention lors de la remise du prix, Djaïli Amadou Amal a également évoqué des sujets qui lui tiennent à cœur : « Je ne peux pas ne pas dire un mot également pour rappeler que dans le Nord-Cameroun, des jeunes, des femmes, sont tuées chaque jour par des exactions de Boko Haram. Je souhaite aussi rappeler que, une semaine avant que je n’arrive en France, sept élèves d’un lycée dans le sud-ouest du Cameroun ont été assassinés par les Ambazoniens, dans la région anglophone. Et rappeler surtout que cela ne sera pas sans l’éducation et sans l’éducation des filles qu’on pourra changer le monde et qu’on pourra développer nos pays. Et j’espère d’être cette voix-là qui permettra de sensibiliser, de faire un plaidoyer pour pouvoir faire évoluer la condition des femmes et l’éducation des jeunes. »
Les Impatientes, le fruit du vécu
Au fil de ses 250 pages Les Impatientes, dénonce les méandres de cette « tradition » du mariage forcé et de la polygamie. L’écrivaine fait surgir les différentes couches de cette société basée sur la dominance des hommes sur les femmes. En trois chapitres Djaïli Amadou Amal ausculte le destin de trois femmes peules musulmanes et trois différents aspects de la violence la plus pernicieuse subie par les femmes, le mariage forcé, aboutissant presque toujours à une violence physique, psychique et sociétale.
Bien que n’étant pas une roman autobiographique, Les Impatientes est inspiré de la vie de la romancière. Née en 1975, dans une grande famille dans l’extrême nord du Cameroun, d’un père camerounais professeur et d’une mère égyptienne, elle était scolarisée tout comme ses trois frères et sa sœur. Selon ses dires, son père n’était pas macho, mais il n’a rien pu faire quand elle a été mariée de force, à l’âge de 17 ans, à un homme politique quinquagénaire. Avec beaucoup de difficultés, elle réussit à divorcer cinq ans plus tard. Dix ans plus tard, elle épouse un homme polygame qui s’avère être également violent. Ce dernier n’a pas hésité à enlever ses deux filles pour la contraindre de revenir à la maison. Aujourd’hui, Djaïli Amadou Amal se dit heureuse de son troisième mariage, avec un écrivain ; sa victoire au prix Goncourt des lycéens en dit long.
Depuis l’annonce de son sacre le 2 décembre, la romancière a gagné en popularité sur le continent africain. Invitée sur le plateau de Canal 2 international le 7 décembre 2020, Djaïli Amadou Amal a témoigné avoir vu le nombre des ventes du livre Les Impatientes grimper de façon vertigineuse. Devenue une source d’inspiration pour la jeunesse africaine, elle a surtout invité cette même jeunesse à ne pas être complice d’abus divers vécus par quelqu’un de leur entourage. « Cela nous concerne tous, il ne faut pas garder le silence. » a souligné l’auteure.