Bertrand Loïc, Aristide Mpacko, Phil Massinga sont considérés comme les fondateurs du Mbolé. Le nom Mbolé a été choisi par Bertrand Loïc et est inspiré d’une de ses célèbres compositions. Le Mbolé naît dans le quartier Nkolndongo à Yaoundé au début des années 2000, animant différentes cérémonies, notamment les veillées funèbres. Proche du Bikutsi, c’est une musique d’animation jouée principalement en live. À ses débuts, le Mbolé se manifeste sans instrument, seulement avec des claquettes et des chants.
Les instruments utilisés sont souvent des objets du quotidien produisant du son, ainsi que le célèbre Djembé (Une sorte de Tam-tam). Les chants se font de manière improvisée, sous forme de « D’atalaku » (Des dédicaces), de louanges et de chants populaires. L’improvisation s’étend également au style de danse, inspiré de leur quotidien, tel que la danse du « Mongol », la danse de la marmite, la danse des « Pédés », etc. Toutes ces danses imitent des comportements inhabituels, empruntés et exécutés avec humour.
Dans une interview accordée à nos confrères de chez Culture Ébène, Dj Lexus a affirmé que le Mbolé ne saurait être comparé ou intégré dans un autre style : « Le Mbolé, c’est la musique du kwatta, la musique des veillées comme on le dit généralement. Le Mbolé, c’est la musique qui regroupe toutes les autres musiques. Lorsqu’il y a un décès au quartier, vous allez voir des jeunes qui descendent avec le Djembé à la veillée, en interprétant tout genre de musique, en faisant des parodies et en interprétant aussi leurs propres compositions. C’est cette musique qui anime les veillées et certains mariages, que moi j’ai décidé de révolutionner. »
Ces propos témoignent de l’engouement de tous ces jeunes qui ont également choisi de hisser le Mbolé au rang du Makossa. On peut citer Petit Bozard, Les Crazy Mix, Petit Virus et le groupe Médecins de Medeline.
Mais en quoi le Mbolé est-il un mode de vie ?
Il faut surtout interroger le quotidien des artistes Mbolé pour comprendre pourquoi ce rythme est érigé au rang de mode de vie. Une petite visite guidée à Nkolndongo ou Etam-Bafia vous permettra alors de découvrir le « Ghetto » dans lequel ces jeunes vivent. Des quartiers très populaires, aux habitations modestes, parfois invivables pour certains. Des rues poussiéreuses où se rencontrent des jeunes le soir généralement pour passer du temps à jouer au football, au Njambo (Jeu de cartes), ou encore pour se doper au chanvre chinois (Communément appelé le Banga). Dans ces quartiers difficiles, les jeunes y vivent sans repère, car la plupart n’ont pas réussi à aller au bout de leurs études, faute de moyens ou simplement à cause de l’insouciance. La plupart de ces jeunes finissent en pickpocket, d’autres en grands criminels ou simplement vagabonds.
Une chose est certaine, ils partagent tous cette « Niaque » légendaire qui se manifeste par une volonté absolue de quitter la vie difficile dans laquelle ils vivent pour une meilleure vie. Ceci d’autant plus que parmi eux, il y en a qui ont réussi à s’en sortir dans des disciplines sportives ou dans des business informels. Ce sont d’ailleurs ces personnes qui ont énormément contribué à la vulgarisation de ce genre de musique. À l’instar de : Oyongo Bitolo qui a créé le groupe de danse baptisé la bibizaine, constitué essentiellement de ces jeunes issus desdits quartiers. Ou encore Alexandre Song qui, à travers ses réseaux sociaux, donne de la force au quartier Essos. Il a récemment acheté 300 t-shirts des « Tranches d’ananas » pour 6000 francs l’unité, soit 1,800,000 francs CFA en soutien à ce nouveau concept.
De ce fait, le Mbolé comme mode de vie se manifeste en plusieurs choses, notamment : Les instruments et le rythme, le message de leurs chants et l’esprit qui s’y dégage.
Le Mbolé : Au rythme du Djembé.
Si aujourd’hui le Mbolé se joue dans les studios et est plus informatisé, il faut néanmoins dire qu’à l’origine, il se joue avec des objets souvent récupérés autour de nous. Parfois des bancs en bois, des ustensiles de notre quotidien qui produisent assez de son. Toutefois, les principaux instruments du Mbolé sont le Djembé et le claquement des mains.
Le Djembé est un instrument de musique originaire de l’Afrique de l’Ouest, notamment de l’empire Mandingue (Du Mali). Il s’est ensuite exporté à travers l’Afrique Centrale et l’Occident. Communément appelé Tam-tam, c’est un instrument solo qui produit un son plus ou moins aigu et qui, en général, s’accompagne d’autres instruments. Le Djembé est ce qui donne tout son sens au rythme du Mbolé.
Il est souvent accompagné d’un autre instrument assez atypique appelé le « Répondant », qui n’est autre que le claquement des mains. Ce sont ces objets qui donnent tout son sens au Mbolé et qui y apportent le rythme nécessaire pour produire ce show. S’il est difficile de définir clairement quel est le genre du Mbolé, certains affirment que c’est un style de musique qui se rapproche du Bikutsi, même si pour les fondateurs, il n’en est rien. Dj Lexus précisait dans une interview que le Mbolé n’est rien d’autre que le Mbolé. Si le Mbolé à l’origine se chante de façon énergétique, la nouvelle génération y apporte un peu plus de douceur, souvent pour exprimer des moments de tristesse ou alors l’amour.
Le Mbolé : Gage des textes inspirants.
Quand on parle de textes inspirants ici, ne vous attendez pas à des lyrics aussi profonds que ceux de Richard Bona ou Belka Tobis. Les textes inspirants ici réfèrent tout simplement au côté cru des lyrics que l’on retrouve dans le Mbolé. Ces artistes ont une facilité à exprimer leur vécu quotidien sans filtre. Le message dans la plupart des chansons Mbolé tourne autour des scènes du Ghetto, la chanson « Dans mon kwatta » de Petit Malo illustre parfaitement ceci. Les Mboleyeurs dans leurs textes ne cherchent pas à séduire ou à impressionner.
Ce qui rend leur musique particulière, c’est ce côté naturel, autant au niveau de la voix que du message véhiculé. Dans leurs textes, ces jeunes expriment la dureté de la vie et leur volonté de sortir du Ghetto pour changer de vie. Ils mettent également en lumière des comportements déviants comme la consommation de stupéfiants, un moyen de sensibilisation que Petit Bozard exprime dans son titre « Détecteur de gué ». Dans les textes de la nouvelle génération, on note une grande volonté de faire accepter et adopter le Mbolé par tous. C’est pourquoi les chansons sont beaucoup plus travaillées et les textes plus recherchés.
Il faut dire qu’ils s’ouvrent à de nouvelles thématiques telles que l’unité nationale chantée par Petit Bozard, ou encore la sensibilisation autour du Corona chantée par Ellano Boss dans le titre « Corona au Nom de Jésus ». Sans oublier les louanges populaires chantées lors des veillées ou encore des compositions telles que « Alléluia » des Médecins de Medeline. Plusieurs autres thématiques sont développées dans ce genre de musique, notamment le vol, les déviances, la pauvreté, l’espoir, la joie.
Le Mbolé : Un espoir de la révolution de la musique urbaine camerounaise ?
En réalité, ce qu’on appelle aujourd’hui musique urbaine camerounaise manque énormément d’identité. Et c’est ce qui rend difficile son ascension sur la scène musicale internationale. La musique urbaine camerounaise d’aujourd’hui ressemble davantage à une pâle copie de l’afrobeat du Nigéria ou encore du Coupé Décalé de la Côte d’Ivoire. Et pourtant, quand on regarde de plus près, le Mbolé n’a rien à voir avec cela. C’est une musique de jeunes Camerounais qui tire son inspiration de notre culture. Une véritable identité camerounaise. Quand on écoute le Mbolé, il ne ressemble à rien d’autre qui vienne d’ailleurs. Ce n’est rien d’autre que le Mbolé. Heureusement que ces jeunes l’ont compris et commencent peu à peu à se positionner dans ce domaine de la musique camerounaise qui malheureusement commence à être ennuyeux.
Que l’on soit originaire de Nkolndongo ou de Bastos, le Mbolé représente aujourd’hui une véritable opportunité pour la musique urbaine camerounaise. On peut dire que sûrement, l’avenir de notre musique urbaine, c’est le Mbolé ! Autant mieux s’y mettre même si plusieurs professionnels refusent de voir le potentiel dont regorge le Mbolé en termes d’identité musicale dans la musique urbaine au Cameroun. D’ailleurs, seul le Mbolé peut se vanter d’avoir cette casquette.
À la découverte du Mbolé avec le groupe Team Mbolé Darmstadt.
Il est d’autant plus nécessaire de comprendre la trajectoire que prend le Mbolé dans la musique camerounaise. Et pour éclaircir quelques doutes, voici l’interview réalisée par la rédaction Afrik-View auprès de Cedric Djiometsa Jiotio, fondateur du groupe Team Mbolé Darmstadt et également chanteur.
– Bonjour Monsieur Djiometsa Jiotio, et merci d’avoir accepté de répondre aux questions de notre rédaction.
Bonjour Patience, tout le plaisir est pour moi surtout lorsque le sujet touche à promouvoir notre identité culturelle.
– Au moment où le Mbolé se fait connaître, que pouvez-vous nous dire sur ces jeunes ? Nourrissent-ils le vœu d’être des ambassadeurs du Mbolé dès leur naissance ou alors ils le deviennent grâce à la « rue » ?
Toute personne ayant de l’amour pour ce rythme peut être ambassadeur de celui-ci à son échelle. Nombreux parmi ces jeunes artistes n’envisageaient pas une carrière musicale et voyaient le Mbolé plus comme un exutoire, un moyen de se retrouver et de partager la joie pendant des évènements heureux comme malheureux.
– Pourquoi correspond-t-on le Mbolé au « voyoutisme » ? Le Mbolé a-t-il une identité réelle ?
Dans toute chose, il y a des bons et des mauvais exemples, mais malheureusement, le monde a une facilité à retenir le négatif. Le Mbolé se fait découvrir au monde au tout début dans les veillées, plusieurs jeunes se regroupent alors pour essayer d’apporter un peu de joie dans un monde triste. Tous ne renvoient pas l’image de jeune modèle et c’est de là que part cette association du Mbolé avec le voyoutisme.
– Entre le pape du Mbolé, le roi du Mbolé, Happy d’Efoulan, Kankan Boys, Les Rythmeurs ABC…, les querelles se multiplient. D’après vous, quelle est la véritable paternité du Mbolé ? Y’a-t-il des précurseurs à ce rythme dansant ?
De ce que nous savons, l’un des initiateurs de ce rythme s’appelle Aristide Mpacko. Il n’était pas seul, car il y a eu le concours d’autres artistes comme Petit Malo, Petit Bozard, Dj Lexus pour faire évoluer ce rythme. Mais on peut considérer Aristide Mpacko comme un pionnier de ce rythme.
– En 2021, le célèbre chanteur Happy D’Efoulan gagnait un Canal d’Or, l’événement camerounais qui récompense les catégories musicales d’Afrique Centrale. C’était là, la première nomination du Mbolé au Canal 2 Or. À cet effet, il suggérait au gouvernement d’investir dans le Mbolé au même titre que la Côte d’Ivoire l’a fait pour le Coupé Décalé. Que pouvez-vous nous dire sur la place de ce rythme musical ? Est-il nécessaire, voire profitable d’investir dans le Mbolé ?
L’essence même du Mbolé suffit à répondre à cette question car un rythme qui réussit à donner de la joie à des personnes endeuillées ne peut apporter que plus de bonheur. Investir dans le Mbolé, c’est promouvoir une œuvre culturelle provenant du Cameroun, de ce fait, c’est valoriser le Cameroun et ajouter une corde de plus à l’arc des jeunes qui ont le désir de s’en sortir et se retrouver plus concernés par ce rythme que d’autres rythmes camerounais.
– Le Mbolé de Petit Malo n’est pas celui de Petit Virus. À voir, on dirait des gangs, pourquoi tant de divisions dans ce genre musical ?
Pour faire le même rythme, il ne faut pas forcément avoir le même style, et le fait que chacun fasse sa musique ne montre pas de division. Ces artistes restent des humains et donc pour collaborer avec quelqu’un, il faudrait une certaine alchimie. Petit Bozard ayant déjà partagé une scène tout sourire avec Petit Malo, Dj Lexus ayant déjà fait un feat avec Aristide Mpacko, Les Rythmeurs ayant déjà fait un feat avec Watto de Suza. Donc chacun fait sa musique et quand les circonstances le permettent, il y a des collaborations, rien avoir avec les divisions et les gangs.
– En quoi le Mbolé profite-t-il à la musique camerounaise ? Voyez-vous le Mbolé comme un rythme musical ou comme un mouvement ?
Une musique d’origine camerounaise qui brille partout valorise la culture camerounaise. Pour nous, le Mbolé est un rythme musical à part entière.
– En quoi différencie-t-on désormais les chants dans les veillées funèbres au Mbolé chanté et enregistré dans les studios ?
La différence est claire, elle est là : Le Mbolé chanté en studio est simplement plus travaillé en termes de mélodie.
– Le Mbolé dans 10 ans. Comment le visualisez-vous ? Peut-on déjà parler de générations dans le Mbolé ?
Dans 10 ans, si le rythme évolue bien, il serait possible que le Mbolé soit reconnu partout en Afrique et même dans d’autres continents, donnant l’envie à plusieurs autres artistes de s’essayer au Mbolé. Oui, nous pouvons déjà parler de générations dans le Mbolé, car Happy d’Efoulan ne peut pas être compté dans la même génération que Petit Bozard.
– Il y a des jeux instructifs, par exemple. Quelles sont les fonctions dont regorge le rythme musical Mbolé ?
Le Mbolé éduque, il divertit, ce sont là les deux principales fonctions du Mbolé, en cela qu’il traite de diverses thématiques, notamment la lutte contre les stupéfiants et la délinquance juvénile, par exemple.
– Le Mbolé de la diaspora a-t-il lui aussi son impact ? Sa notoriété comme celui chanté au « MBOA » ? Et Quelles sont les réformes à entreprendre pour rehausser et mieux vendre le rythme musical Mbolé ?
Pour l’instant, le Mbolé de la diaspora reprend beaucoup les chansons du Mboa et joue de ce fait un rôle publicitaire pour cette œuvre en Europe, mais une fois que la diaspora créera plus, cela pourra renforcer son impact et créer une vraie notoriété. Il faut juste que chaque sympathisant de ce rythme se comporte de manière à ce que toute personne en le découvrant ait l’envie d’en savoir plus.
– Quel message adressez-vous aux sympathisants du Mbolé, aux Mboleyeurs ?
Le Mbolé c’est nous, le Mbolé c’est vous, le Mbolé, c’est nous tous, le Mbolé, c’est la musique du peuple. Donnons une force considérable à ce rythme en partageant les œuvres des artistes, en représentant le Mbolé dans différents festivals par des groupes qui pratiquent ce rythme comme la Team Mbolé, et ainsi on fera grandir ce rythme et on le mettra tout haut.
– Merci d’avoir répondu à notre questionnaire.
Tout l’honneur est pour moi.
Il est important de préciser que l’artiste Chris Le Rius a sorti le clip « LE TROPHÉE À LA MAISON » en featuring avec Crisng et Arim-Kenn le 15 janvier 2024 pour encourager les Lions Indomptables à la CAN 2023. Cette information est contenue dans une publication faite sur la page Facebook du groupe Team Mbolé Darmstadt.