Depuis quelques temps, les gestes du président Paul Biya sont minutieusement auscultés. L’image de son entrée dans la salle des conférences du palais de l’Unité pour présider les travaux du récent Conseil supérieur de la magistrature, tenant lui-même son parapheur de la main gauche, a été perçue comme une volonté de démontrer qu’il est le seul capitaine à bord du navire. Par la même occasion il réduisait au silence toutes rumeurs sur une gouvernance par procuration, ou montée en puissance de quelques délégataires. En portant à la tête du Tribunal criminel spécial, Annie Noëlle Bahounoui Batende, le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire et du bon fonctionnement de cette institution de l’Etat a sans doute jeté un coup de froid au dos des membres du gouvernement au soir du 10 août 2020.
Première femme à occuper ce poste, la magistrate de quatrième grade a été juge d’instruction dans cette juridiction spécialisée dans la lutte contre la corruption et les détournements de biens publics au Cameroun. C’est à ce titre que le 31 mars 2014, elle entend un certain Louis Bapès Bapès, alors ministre des Enseignements secondaires. Au terme de l’audition, elle émit un mandat de dépôt et le ministre, encore en fonction, fut placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé. Le Cameroun tout entier retint son souffle suite à un acte inédit.