Selon la télévision nationale, le gouvernement a décrété l’état d’urgence sur tout le territoire éthiopien à compter de ce 3 novembre afin de discuter des derniers développements en cours dans le pays. «L’état d’urgence vise à protéger les civils contre les atrocités perpétrées par le groupe terroriste du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) dans plusieurs régions du pays», rapporte la chaîne publique.
Cette mesure doit être approuvée par le parlement dans les 24h. L’état d’urgence impose aux citoyens de se munir de leurs cartes d’identité pendant leurs déplacements. Toute personne soupçonnée d’avoir des liens avec le groupe terroriste sera interpellée sans mandat d’arrêt. Il permet aux forces de sécurité d’effectuer des descentes inopinées et au gouvernement de confisquer les armes non enregistrées.
Les autorités appellent la population à se mobiliser pour contrer l’avancée des soldats tigréens. Le Premier ministre demande à tous les Éthiopiens de s’armer. La région Amhara, où se déroulent les combats aujourd’hui, a déclaré l’état d’exception et recrute des milliers de miliciens. Quant à la mairie d’Addis-Abeba, elle exhorte les résidents à former des groupes d’autodéfense en cas d’attaque du TPLF sur la capitale.
Ces mesures de sécurité expliquent la pression du gouvernement fédéral face à l’avancée des rebelles tigréens du parti TPLF qui se trouvent déjà à 400 km au nord de la capitale éthiopienne Addis-Abeba. Concrètement, il s’agit là des signaux très clairs d’une perte de contrôle militaire selon un diplomate occidental.
D’ailleurs, les communications sont coupées dans une grande partie du nord de l’Éthiopie et l’accès des journalistes est restreint, rendant difficile toute vérification indépendante des positions sur le terrain.
Toutefois, le gouvernement nie avoir perdu le contrôle de ces villes mais ouvre une fenêtre d’une nouvelle page qui s’ouvrirait dans le conflit qui l’oppose depuis un an aux troupes rebelles si ces villes confirmaient leur prise par ces rebelles.
A l’extérieur, les appels au cessez-le-feu continuent d’affluer, notamment ceux des États-Unis : « Nous avons toujours condamné l’expansion de la guerre par le TPLF en dehors du Tigré. Et nous continuons de demander au TPLF de retirer ses troupes des régions Amhara et Afar. Cependant, cette expansion de la guerre est autant prévisible qu’inacceptable », a déclaré l’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman.
Selon le diplomate américain cette situation était prévisible car le gouvernement éthiopien a opéré un blocus humanitaire autour du Tigré. Une violation des droits de l’homme qui mérite des sanctions.
Les États-Unis ont également annoncé qu’ils privaient l’Éthiopie d’importants avantages commerciaux accordés dans le cadre de l’AGOA (Loi sur le développement et les opportunités africaines), en raison de violations des droits humains dans le conflit.
L’Éthiopie s’est dite extrêmement déçue par cette décision qu’elle souhaitait voir « annulée ».
Les douze mois de conflit ont été marqués par des massacres, viols entre autres, notamment sur les civils, et ont plongé le nord de l’Éthiopie dans une grave crise humanitaire, avec plusieurs centaines de milliers de personnes vivant dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.
Le secrétaire général de l’organisation internationale Antonio Guterres a appelé ce mardi par la voix de son porte-parole à la « cessation immédiate des hostilités et un accès humanitaire sans entrave afin de fournir une aide vitale urgente », a indiqué Stéphane Dujarric dans un communiqué. Il a aussi plaidé pour un dialogue national « inclusif » pour résoudre cette crise et « créer les bases de la paix et de la stabilité dans tout le pays ».
Mais les deux parties semblent décidées à continuer cette guerre civile.
Dans le conflit qui les oppose au gouvernement, les soldats tigréens se sont récemment alliés avec d’autres mouvements rebelles et prévoyaient probablement de marcher sur la capitale. C’est donc dire que l’on est loin d’une sortie de crise.